lundi 22 janvier 2024

Entre sécurité et souplesse

 La CFDT, en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès, a mené une nouvelle enquête pour mieux décrypter la société française. Cette vaste étude permet d’identifier les contours du travail « idéal » pour les Français.

Par Nicolas Ballot— Publié le 02/01/2024 à 08h06

©DR

À l’approche de la présidentielle de 2017, lorsque la CFDT interrogeait plus de 200 000 travailleurs via sa grande enquête « Parlons travail », trois répondants sur quatre disaient aimer leur travail, plus de la moitié assurait y prendre du plaisir et autant en être fiers. Plus globalement, la grande majorité des personnes ayant répondu à l’enquête déclaraient entretenir un rapport plutôt positif à leur travail. Six ans, une pandémie de Covid et deux confinements plus tard, qu’en est-il du rapport des Français au travail ?

L’enquête « La société idéale de demain aux yeux des Français », réalisée par Ipsos pour la CFDT et la Fondation Jean-Jaurès, permet d’y voir plus clair sur les attentes actuelles de nos concitoyens vis-à-vis du travail. « Le travail continue de représenter un élément important de la vie des citoyens et des citoyennes, même s’ils [et elles] souhaitent pouvoir le concilier plus facilement avec les autres facettes de la vie, souligne Marylise Léon. Cette enquête conforte les constats posés par la CFDT. »

La recherche d’un cadre sécurisé…

Dans une société en mutation et parfois en perte de repères, l’enquête sur la société idéale montre que les salariés sont en recherche d’un cadre global de travail sécurisant et souple. Et quand on leur demande les principaux critères du poste idéal, « l’intérêt », « le salaire » et « une ambiance de travail agréable » sortent en priorité. Des résultats qui ne sont pas sans rappeler ceux de l’enquête « Parlons travail » : 81 % des répondants affirmaient travailler avant tout pour subvenir à leurs besoins, tout en étant très majoritairement « fiers » de leur travail et heureux avec leurs collègues.

Autre enseignement : il n’y a pas de différence générationnelle marquée concernant ces critères, comme le révèle Jérémie Peltier, codirecteur général de la Fondation Jean-Jaurès. « Contrairement à ce que le débat public peut parfois laisser penser, si les valeurs et le sens du travail sont plus prégnants pour les nouvelles générations, ils ne surpassent pas des critères immuables que sont l’intérêt du travail, le salaire et l’ambiance. » 

Une analyse confirmée par la sociologue Dominique Méda dans une récente chronique parue dans Le Monde, qui ajoute que « ces attentes sont encore plus fortes » pour la jeune génération que chez leurs aînés.

“ Les individus ne sont pas faits pour vivre sans liens sociaux, et le numérique ne peut pas remplacer totalement ce lien.”

Jérémie Peltier, codirecteur général de la Fondation Jean-Jaurès

Changement de rythme et travail hybride

L’enquête va à l’encontre d’une autre idée reçue. Elle fait ressortir que le «bougisme» n’est pas un idéal. Les salariés plébiscitent au contraire le CDI, au nom de «la stabilité professionnelle», préféré au changement régulier d’employeur.

En revanche, à l’intérieur de ce cadre sécurisant, ils souhaitent jouir de réelles opportunités pour changer de poste ou de métier au sein de la même entreprise. De même, une nette majorité de Français ne souhaitent pas forcément travailler moins mais aspirent à pouvoir alterner des périodes avec plus ou moins de travail sur l’ensemble de leur carrière. Sur ce point précis, les jeunes sont plus demandeurs de possibilités de changements de rythme au cours de leur carrière, que ce soit pour faire une pause, mieux concilier les temps personnel et professionnel, se former, évoluer ou changer de métier. Selon Jérémie Peltier, même si cela reste un signal faible, « on observe une réelle demande d’arythmie chez la jeune génération ».

“Déjà, en 2016, 73 % des répondants à l’enquête « Parlons travail » exprimaient le souhait de participer davantage aux décisions importantes qui affectent leur entreprise […].”

Cette volonté de souplesse se traduit également par un plébiscite du travail hybride –pour les 40% de salariés dont le poste est télétravaillable. Ce refus du «100% télétravail» –que relaient déjà de nombreuses équipes CFDT– peut être vu comme un retour d’expérience après les confinements. «Les individus ne sont pas faits pour vivre sans liens sociaux, et le numérique ne peut pas remplacer totalement ce lien. Le tout-télétravail ne peut donc pas relever de la société idéale –et encore moins du travail idéal, qui repose sur une nécessaire socialisation», confirme Jérémie Peltier.

Une fonction publique peu attrayante

La conjonction de cette double aspiration à la sécurité et à la souplesse place les entreprises privées (grandes ou moyennes) en premier choix des Français lorsqu’ils se prononcent sur leur endroit idéal pour travailler (55 %), loin devant la fonction publique (25 %).

L’autoentrepreneuriat, pour sa part, ne séduit qu’un répondant sur dix. Cette faible attractivité des fonctions publiques s’explique aisément par « la défiance actuelle vis-à-vis de l’État, de l’action publique et des pouvoirs publics de plus en plus présente dans la société, et qui ruisselle sur la sphère travail », explique Jérémie Peltier. Ce à quoi il faut ajouter le fait que la fonction publique n’est pas assez rémunératrice et que les agents manquent singulièrement de reconnaissance… quand il ne s’agit pas carrément de métiers « à portée de baffes » – pour reprendre l’expression ô combien évocatrice de Jérémie Peltier – comme les enseignants ou les agents des guichets d’accueil au contact direct du public.

L’impérieux besoin d’être écouté

À PROPOS DE L'AUTEUR

Nicolas Ballot

rédacteur en chef de Syndicalisme Hebdo et de CFDT Magazine

Dernier élément, et pas des moindres, pour se sentir bien et respectés au travail : les Français veulent être écoutés. Déjà, en 2016, 73 % des répondants à l’enquête « Parlons travail » exprimaient le souhait de participer davantage aux décisions importantes qui affectent leur entreprise, au motif qu’ils « sont souvent plus lucides sur la réalité de l’entreprise que la plupart de leurs dirigeants ».

Cette vieille revendication de la CFDT ne se dément pas, au contraire : dans l’enquête « La société idéale de demain », les trois quarts des Français disent qu’ils « préféreraient un système de cogestion des entreprises entre dirigeants et salariés ». Cette demande de participation et de prise en compte de la parole des salariés au travail relève d’un phénomène plus large dans la société : « Face au sentiment de perte de contrôle sur le cours des événements et des décisions [relevé dans toute l’enquête], la participation au sein de l’entreprise apparaît comme un moyen pour les salariés de redevenir, en partie, acteurs et d’être reconnus », pointe la Fondation Jean-Jaurès, sur fond de fin de la culture de l’allégeance aux figures d’autorité, notamment pour la nouvelle génération, y compris au travail. Des résultats et une analyse en adéquation avec les conclusions de « Parlons travail » : « Les travailleurs rejettent l’idée d’un monde du travail placé sous le règne de la hiérarchie et du silence. Ce modèle semble bien périmé. Les gens veulent s’exprimer, avoir leur mot à dire, être utiles, avoir du sens. Ceux qui souffrent au travail sont ceux qui disent n’avoir aucune liberté pour l’organiser, aucun espace pour s’exprimer, aucun sens à leur activité. » 

 

Bonheur au travail : attention, danger !

Retrouvez le dossier complet
Syndicalisme Hebdo sans mon travail idéal


Finis les bars à smoothies, le baby-foot ou le Chief Happiness Officer censés rendre les salariés « heureux au travail » ? Reste que ces artifices font toujours obstacle au nécessaire débat sur le contenu et les organisations de travail.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 02/01/2024 à 08h07

© Thomas Louapre

1. Happycratie – Comment l’industrie du bonheur
a pris le contrôle de nos vies.
 Éditions Premier Parallèle, 272 pages, août 2018.

1. Étude : Le rapport au travail post-Covid.Télétravail, management, reconnaissance, santé,les nouvelles tendances. www.jean-jaures.org

Alors, comme ça, un joli rooftop (toit-terrasse) végétalisé, des espaces de sieste, des bars à bonbons ou l’embauche d’un Chief Happiness Officer (CHO) seraient de nature à rendre les salariés plus heureux au travail ? C’est en tout cas ce que défendaient les partisans du bonheur au travail, notion apparue au tournant des années 2010, dans le sillage de l’approche américaine de « psychologie positive ». Un concept admirablement analysé dans Happycratie1, du chercheur Edgar Cabanas et de la sociologue Eva Illouz.

Très présente et très médiatisée dans les années pré-Covid, cette thématique a du plomb dans l’aile. Côté entreprises, on semble être revenu de ces gadgets, de nombreux DRH reconnaissant combien ces artifices n’ont pas de réels impacts sur la motivation ou l’engagement des équipes.

Côté salariés, il n’est pas certain que l’on ait un jour cru en ces promesses. Mais encore moins depuis la crise Covid, « qui a transformé le rapport au travail. Ce dernier a perdu son caractère aussi central. Aujourd’hui, on est moins sur ces envies messianiques de bonheur au travail, mais sur une approche plus pragmatique où l’on va davantage rechercher à ce que le travail s’intègre plus harmonieusement dans sa vie », explique Romain Bendavid, expert associé de la Fondation Jean-Jaurès, qui a coordonné une grande étude sur le rapport au travail post-Covid1.

« Bullshit managérial »

2. Le bullshit management, revue Cadres – Lire le travail, no 498, octobre 2023.

« On parle peut-être moins de bonheur au travail et davantage de bien-être au travail, mais le fond et les pratiques restent les mêmes. On est sur les mêmes âneries », tacle Christophe Genoud, enseignant à la Haute école de gestion de Genève (HEG), consultant en management, auteur de l’ouvrage Leadership, agilité, bonheur au travail – bullshit ! (éditions Vuibert, 2023) – et qui a également contribué au numéro de Cadres consacré au « bullshit management »2.

« Tous ces discours, ce sont des fables que les entreprises se racontent. Elles se mentent et mentent à leurs collaborateurs. Car justement, le travail n’a jamais été aussi bureaucratisé, abstrait, procédurier et déshumanisant. Alors on sert un récit, celui dans lequel il suffirait d’“introduire de l’humain”, de favoriser le bonheur au travail ou la résilience pour que nos organisations redeviennent des lieux de créativité, d’innovation et de bien-être. Le problème, c’est que ces récits sont des mythes mortifères qui nuisent plus qu’ils ne soignent », assène Christophe Genoud. Un peu à la manière de cette nouvelle tarte à la crème de la « bienveillance », qui a envahi jusqu’au monde de l’entreprise.

“Quand toute la communication est faite sur le “tout va bien”, si vous amenez le “ça ne va pas”, c’est un peu comme si vous trahissiez l’entreprise », explique la chercheuse.”

Gare aux incohérences

3. La novlangue managériale. Emprise et résistance. Éditions Erès, 220 pages, 2017.

3. Et Mots et illusions : quand la langue du management nous gouverne. Éditions 10/18, « Amorce », 112 pages, 2022.

Ce n’est évidemment pas que la présence d’un baby-foot soit néfaste ou dangereuse en tant que telle dans un environnement de travail, mais potentiellement pour ce qu’elle représente. « Ces démarches – babyfoot, bonbons, corbeilles de fruits, séances de yoga… – portent avec elles une injonction à être heureux au travail, en réponse aux “attentions” de l’entreprise. Ce qui peut fragiliser ceux qui ne le seraient pas, leur donner un sentiment d’inadaptation, voire accroître leur détresse ou leur culpabilité, constatant qu’ils n’y arrivent pas, malgré “tout ce que l’entreprise fait pour eux” », indique Agnès Vandevelde-Rougale, socioanthropologue, auteure de plusieurs ouvrages sur les aspects manipulatoires de la novlangue managériale3 3. Pire, un tel contexte ou environnement qui cultive l’optimisme à tous crins peut empêcher ou saper la possibilité d’exprimer ses difficultés. « Quand toute la communication est faite sur le “tout va bien”, si vous amenez le “ça ne va pas”, c’est un peu comme si vous trahissiez l’entreprise », explique la chercheuse.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Emmanuelle Pirat

Journaliste

Le véritable problème de ces approches « bonheuristes » (l’expression est de la philosophe Julia de Funès) est qu’en ciblant les individus – c’est-à-dire en les mettant au centre –, on évite de parler du travail, on se détourne de ce qui concerne l’activité de travail, son organisation, ses difficultés. Or, et c’est bien ce qu’ont démontré des dizaines d’années de travaux universitaires, c’est en mettant le travail au cœur des réflexions et en donnant aux salariés les moyens de réaliser leur travail qu’ils trouveront le plus de satisfaction… et d’épanouissement.

Et donc gare aux incohérences ou aux contradictions : « Si vous installez une salle de sport ou que vous proposez des massages mais que vos salariés ne trouvent pas de bureau quand ils arrivent parce que l’entreprise est passée en flex office [absence de bureau attitré], le risque est grand d’une déception entre la communication de l’entreprise et la réalité des pratiques. Une déception qui peut nourrir le mal-être au travail et le turnover », conclut Agnès Vandevelde-Rougale.

 

jeudi 18 janvier 2024

Grilles des Salaires au 1er Janvier 2024

 Publié le 

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Comme à chaque modification/augmentation, dans cet article, nous vous proposons nos GRILLES INDICIAIRES PAR CORPS (38 grilles + d’autres à venir)

A compter du 1er janvier 2024, ces grilles prennent en compte l’ajout de 5 points supplémentaires par indice majoré (IM), soit un gain mensuel de 24,61 € brut, ou 19,53 € net. Le gain est de 234,36 € net sur 1 an.

Valeur du point d’indice :

La valeur annuelle du traitement afférent à l’indice 100 majoré est de 5 907,34 euros depuis le 1er juillet 2023. La valeur du point d’indice brut est de 4,923 €. La valeur du point d’indice net est de 3,907€.

Des grilles valables pour d’autres ministères :

Les grilles de salaires fonctionnent également pour les agents de l’Agriculture (MASA) pour les corps équivalents (TSDD=TSMA, SACDD=SA, Adjoints Administratifs, Adjoints techniques, Attachés). Pour les IAE, une grille vous est proposée dans la liste ci-dessous.

Ces grilles sont aussi valables pour les corps équivalents d’autres ministères tel que les adjoints administratifs, les adjoints techniques, secrétaires administratifs, attachés, assistantes sociales, chargés d’études documentaires, administrateurs, etc …

De nouvelles grilles ajoutées :
  • Personnels d’Exploitation des TPE (statut modifié au 01-01-24)
  • Personnels d’Exploitation de VNF (nouveau corps au 01-01-24)
  • Chefs d’Équipe d’Exploitation Divisionnaire des TPE (nouveau statut d’emploi fonctionnel au 01-01-24)
  • Chefs d’Équipe d’Exploitation Divisionnaire de VNF (nouveau statut d’emploi fonctionnel au 01-01-24)
  • Ingénieurs des Travaux Géographiques et Cartographiques de l’État (IGN)
  • Ingénieurs des Travaux de la Météorologie (Météo France)
Pour mémoire :

Le « à payer » correspond à un salaire, basé sur des indices, prenant en compte la retenue Pension (11,10%) ainsi que les CSG (9,2%) & CRDS (0,5%) appliqués sur 98,25% du salaire brut.
Ne sont pas prises en compte les primes (IR, PFR, RIFSEEP, PSR, IAT, NBI, …), ni la RAFP (Retraite Additionnelle de la Fonction Publique qui s’applique en partie sur les primes), ni l’Indemnité de Résidence (1% et 3%), ni l’indemnité compensatrice de la hausse de la CSG. De plus, depuis le 01/01/2019, le prélèvement de l’impôt à la source (PAS) est effectif sur vos bulletins de paie, mais bien évidemment ne peut pas être intégré dans le « à payer » de nos grilles.

Vous trouverez ci-dessous, en pièce jointe, un document PDF contenant l’ensemble des liens vers les grilles de salaires au 01/01/2024