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Extrait de l'hebdo n°3977
Au lendemain de la chute du gouvernement Bayrou et
de la nomination d’un nouveau Premier ministre, Marylise Léon
fait part de son inquiétude face à une nouvelle période
d’instabilité politique. Et rappelle les priorités de la CFDT
en cette rentrée sociale chamboulée.
Par Anne-Sophie
Balle, et Jérôme Citron — Publié
le 10/09/2025 à 14h00
La France est de nouveau sans gouvernement. Comment analyser
ce qui vient de se passer ?
Le résultat du vote de l’Assemblée nationale n’a pas été une
surprise. La question de confiance posée par François Bayrou ne répondait pas
aux enjeux de la période. Selon la CFDT, la question n’est pas de savoir s’il y
a un problème de déficit public dans notre pays mais comment peut-on répartir
les efforts de la manière la plus juste possible. Malheureusement, la nouvelle
instabilité politique n’augure rien de bon pour le monde du travail.
Dans cette période chaotique, la CFDT est un pôle de
stabilité. Nous devons poursuivre notre travail de syndicalistes en gardant
notre boussole, à savoir l’intérêt des travailleurs. Nous jouons un rôle de
vigie, à la fois pour peser sur les choix politiques et budgétaires mais aussi
pour continuer à donner des repères aux travailleurs, dont l’exaspération qui
prévalait avant l’été s’est transformée en colère. Et cette colère n’est pas
près de disparaître.
Pourquoi appeler à la mobilisation le 18 septembre
alors qu’il n’y a plus de gouvernement ? Et pourquoi ne pas avoir appelé à
la mobilisation du 10 septembre ?
Nous sommes dans notre rôle d’organisation syndicale. Nous
nous faisons le relais des aspirations des travailleurs dans un cadre syndical,
avec nos mots d’ordre et nos méthodes d’action, ce qui n’est pas le cas de la
journée du 10. La date du 18 septembre, elle, a été choisie avec l’ensemble des
organisations syndicales autour de revendications communes. Il n’est pas
question de « tout mettre à l’arrêt » ou de demander la démission du président
de la République.
“Les partis politiques se positionnent aujourd’hui comme des
écuries présidentielles sans réellement apporter de réponses aux questions qui
se posent à moyen et long terme. A contrario, à la CFDT, nous nous efforçons de
penser le temps long.”
Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT
C’est une manière, aussi, de marquer notre indépendance
vis-à-vis du politique. C’est d’autant plus important que les partis politiques
se positionnent aujourd’hui comme des écuries présidentielles sans réellement
apporter de réponses aux questions qui se posent à moyen et long terme. A
contrario, à la CFDT, nous nous efforçons de penser le temps long.
La question budgétaire reste néanmoins posée. Comment la
CFDT veut-elle peser dans les prochains mois ?
Il est utile de rappeler que la fin du gouvernement Bayrou
ne signifie pas la fin du processus budgétaire. Un nouveau gouvernement va se
mettre en place, et il y a fort à craindre que certaines idées refassent
surface très rapidement – or les pires sont souvent celles qui reviennent le
plus vite.
La CFDT n’a pas changé d’opinion. Nous demandons que les
choix budgétaires soient débattus. Il faut une véritable concertation. Mais
disons-le clairement : il n’y a pas grand-chose à garder des propositions
faites par le Premier ministre en juillet dernier. Il faut tout remettre à
plat. Selon la CFDT, deux sujets doivent être abordés en priorité : la
conditionnalité des aides publiques et la taxation des ménages les plus
fortunés, la fameuse taxe Zucman. Reconnaissons que, sur ces deux sujets, le
débat public n’est pas à la hauteur, voire à la limite de la caricature.
Enfin, nous serons très vigilants sur le calendrier
parlementaire en cette rentrée afin que les accords que nous avons signés
soient fidèlement retranscrits dans une loi. Je pense notamment à l’accord
relatif à la non-limitation des mandats syndicaux, lequel est très attendu par
nos militants. Il est hors de question qu’il passe à la trappe.
Tu as souvent pointé la responsabilité des organisations
patronales, ne voulant pas s’engager dans la période (négociation du Pacte de
la vie au travail, “conclave retraites”…) Peut-on encore dialoguer avec le
patronat ?
Nous sommes à un moment charnière avec les organisations
patronales qui, par dogmatisme idéologique, n’ont clairement pas joué le jeu
dans le cadre des discussions sur les retraites et n’ont pas voulu prendre leur
part de risque. Quand on affirme vouloir peser et être une force de stabilité
dans le pays, il faut être capable de dépasser sa popote interne. Aujourd’hui,
je ne veux pas entendre le patronat dire que l’instabilité politique est
insupportable alors qu’ils n’ont pas pris leurs responsabilités.
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